Ravissante écorchure des ronces et des pétales qu'il n'avait pas encore effleurés ; Valentine les approchait sans mal, les fleurs n'étaient pas morales, tandis que son ombre lui enviait l'effrayant commerce et le confort de l'assise qui l'attendait inévitablement,
diminué qu'il était. On contournait sa silhouette encombrante pour cueillir les tiges déjà coupées, et sentir les autres s'écarter de son immobilité lui aurait presque arraché un sourire.
Malheureusement pour tout, l’œil se gardait bien de quitter les atroces couleurs, la vie sans parfum qui s'étaient échouées là, sur les tables alignées comme les bateaux de plaisance amarrés, le ventre plein des esquisses que les aventuriers garderont du souvenir des Indes. Le sien avait trop souvent bu la tasse pour y voir tout à fait clair. Ravissant mais pas assez, il jure avec elle, on baisse les yeux lorsque les siens menacent. Probablement ne sera-t-il pas soûl ce soir. Son soupir aurait fendu Dieu.
Les mains de Valentine s'affairent autour de fleurs nobles et convenues, en quantité remarquable. Aurait-il participé à cette parodie de fête ? Fleuriste, fleuriste, oui, ses yeux semblaient se souvenir maintenant qu'ils étaient bas. Les ongles mal assurés frissonnaient autour du verre qu'il buvait cette soirée-là ; il en avait passé, du temps, à débarrasser le même manteau que ses épaules portaient alors du sable de la plage. Du temps... Peut-être en avait-il eu besoin, pour charger le ventre du camion qui les avait égarées là, ce maintenant-là que Valentine semblait mordre comme personne. Il ne se souvenait plus de son nom, encore ; la faute aux semaines qui séparaient leur dernière rencontre de là. Qu'avait-il bu, ce soir, à marée basse... ? Il serait de bon ton de poursuivre.
Une quinte de toux, c'était ainsi — et, puisque cela l'invoquait, Valentine lui demanda un avis idiot sur une couleur quelconque, des affaires de bonnes femmes, alors il pensait fort à Ronsard et fermait les yeux jusqu'à se faire mal, qu'il ne soit pas debout, loin du centre, vulnérable. Il n'y croyait pas un instant.
Le visage finalement abandonné sur les lèvres de Valentine, Valentin haussa les épaules d'indifférence. Il aurait aimé être acerbe, mais la soirée allait être longue, et il manquait d'endurance depuis qu'il lui manquait une jambe.
— Cela ira, et la voix traînait, sans grande conviction, alors qu'elle lui proposait la fameuse assise ; ou alors méprisait-il l'aide qu'elle lui offrait, peu importe. Elle s'approchait, les mains pleines de l'or boueux, et il fronçait les sourcils.
Veuillez cesser je vous prie, ordonna-t-il à l'attention des roses, et le ton qui résonnait dans sa gorge n'appelait pas de remarque supplémentaire.
Objet n'est plus un obstacle, qu'importe ; il boita jusqu'à la table y déposer le verre vide, petit prélude. Un signe de la main pour interpeller un homme dont la tête ne lui revenait pas, un organisateur présumé, qui fut mandaté pour chercher à boire ; un second whisky ou un verre de vin épicé, il avait déjà oublié, puis il invita d'un regard Valentine à passer commande pendant qu'il gagnait les étals de fleurs et de feuilles.
— L'idée est convenue, je crois, intima le crépuscule de langue anglaise à Valentine, une fois cette dernière à portée.
Ou bien dois-je dire peu inspirée. À moins que l'on y invite du blanc et que l'on vienne à célébrer la France, cela va sans dire.Tous ses -w sonnaient -v. Sans doute la fatigue. Il reniflait et détestait renifler.
— Regardez autour de vous, ma chère, et il joignit à son invective un signe du menton en direction des bancs et des tables qui avaient fleuri autour d'eux.
Les roses semblent être à la mode et, par Dieu, nous aurions tout intérêt à vouloir ce que personne ne veut. C'était là le génie de Michel-Ange.Il reconnut son marbre cassé à la douceur qui avait éclot de la capsule, souleva le Graal par la tige frêle et brune.
— Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est de coutume en France d'associer les années de mariage à certaines matières. On célèbre les noces de coton après un an. Une quinte de toux le coupa dans son explication, et il reprit en fouillant les poches de son manteau.
Les noces de rose se fêtent au bout d'une quinzaine d'années, il me semble, mais eh, croyez-vous que l'amour se célèbre par le mariage, de nos jours ? Il serait facile de justifier une critique des institutions matrimoniales et la dénonciation de l'entreprise du divorce avec du coton, des ronces et des feuilles mortes. Au moins cela serait-il vendeur et n'aurai-je pas l'atroce impression de suffoquer toute la soirée.Dans sa gorge restait tapie une diatribe qu'il préféra intime. Il avait suffisamment vécu hors de l'Allemagne pour savoir que les logorrhées raisonnables et les invitations aux débats n'étaient pas appréciées de tous.
Le dos tourné aux cargaisons des bateaux il observait la mer d'incapables ignorants tisser les vagues de roses et les plis de son front les méprisaient. Son mouchoir en tissu recouvrit enfin le bas de son visage.
— Quelle fête ridicule.